L’éclatement géographique : Endoume-Luminy (1968-1983)

Dans le cadre de la réorganisation de l’Université, en décembre 1968 la Station Marine d’Endoume est détachée de l’Université Saint-Charles, héritière de la Faculté des Sciences qui avait créé le laboratoire d’Endoume, pour être administrativement rattachée à la nouvelle Faculté des Sciences construite à l’extérieur de Marseille, sur le site de Luminy.

A cette occasion certains départements sont transférés sur place, notamment la Géologie, et la Sédimentologie marine, l’Hydrobiologie Marine, ou encore le service d’Océanographie. Avec l’écologie marine et les disciplines de systématique qui restent pour la plupart à Endoume même. Ce nouveau pôle de recherche (Endoume-Luminy) prend alors le nom de Centre d’Océanographie de Marseille.

Et en 1969, dans le cadre de la loi d’orientation de l’Université Française (dite « loi Edgar Faure ») portant sur la réorganisation de l’enseignement supérieur, un contrat est passé entre le C.N.R.S. et l’Université Aix-Marseille II, regroupant la Faculté de Médecine et le Campus de Luminy. A partir de ce moment-là, le nouveau Centre d’Océanographie de Marseille prend le statut administratif de « laboratoire associé » au C.N.R.S. (L.A. 41).

Cette nouvelle organisation compte plus de 90 chercheurs, c’est aussi une Unité d’Enseignement et de Recherche (U.E.R.) des Sciences de la Mer et de l’Environnement, dépendant de l’Université Aix-Marseille II, et dont Jean-Marie Pérès assume la direction.

  • Après l’essor, la maturité

Après l’énorme activité et la croissance exponentielle de la période précédente, on peut remarquer que les années soixante-dix, apparaissent, par contraste, plus calmes, tout du moins sur le plan administratif et immobilier.

Sur le plan scientifique, au contraire on constate, que le Centre d’Océanographie de Marseille, continuant sur sa lancée, se répartit en douze thèmes de recherche, chaque groupe travaillant à un aspect particulier de l’Océanographie :

  • -Production et distribution pélagique.
  • -Production benthique des fonds meubles.
  • -Substrat rocheux.
  • -Bioconstruction et biodégradation.
  • -Récifs de coraux et milieux environnants.
  • -Pollution et protection des milieux naturels.
  • -Microbiologie et protophytes. -Biochimie marine.
  • -Physiologie et aquaculture des poissons téléostéens.
  • -Physiologie et aquaculture des crustacés.
  • -Biologie marine générale.
  • -Géologie et sédimentologie.

Cette structure ne sera pas complètement figée, et son évolution va se poursuivre en fonction de regroupements, ou d’éclatements thématiques, mais sans modifier pour autant l’équilibre des différentes approches.

Par cette diversité, dans l’approche de l’univers marin, la Station Marine d’Endoume a prouvé sa pluridisciplinarité dans ce domaine, fruit d’une longue histoire, ce qui contribue à son rayonnement. Mais on peut remarquer en même temps que des branches comme l’Océanographie Physique ou les géosciences marines, qui connaissent un essor certain au niveau national, n’ont apparemment pas trouvé ici de terreau favorable pour une activité propre, et ce malgré une tentative, on l’a vu, pendant la guerre. La « coloration » scientifique y reste nettement biologique.

  • Premières difficultés pour l’avenir des jeunes chercheurs

Au début de la période, un coup de frein va ralentir le recrutement de jeunes chercheurs océanographes, tant sur le plan local, qu’au niveau national. Ainsi, en ce qui concerne les enseignements d’Océanographie, dispensés pour l’année universitaire 1970-1971, à la Station Marine d’Endoume, il est significatif de remarquer l’instauration d’un Numerus Clausus, à l’entrée du D.E.A. (Diplôme d’Etudes Approfondies) d’Océanographie, auquel, les étudiants accèdent, après un certificat d’Océanographie Générale.

Ce cursus universitaire connaît alors un succès croissant, qui reflète l’engouement pour cette discipline. Et on peut dire que si cette limite à l’entrée du D.E.A. est loin d’être aussi sévère que celle instaurée en Médecine, à la même époque, il n’empêche, que cette mesure indique peut-être que l’on a atteint une limite dans l’expansion de cette science. L’époque marque peut-être une sorte d’optimum, et le début d’un repli, ou l’entrée dans une autre phase historique et scientifique.

  • Le C.N.E.X.O. se retire progressivement d’Endoume

Dans le cadre d’une réorganisation interne, et d’un recentrage de ses activités, le C.N.E.X.O. suspend progressivement, au cours des années soixante-dix, certaines activités de recherche qu’il finançait sur le site d’Endoume. Ainsi le groupe de recherche « Physiologie et aquaculture des poissons téléostéens« , éclate, et les chercheurs C.N.E.X.O. qui en faisaient partie sont envoyés dans d’autres centres du C.N.E.X.O., notamment à Brest, de même pour le groupe « Physiologie et aquaculture des crustacés« .

Bientôt il ne va plus rester qu’un seul chercheur du C.N.E.X.O. à la Station Marine d’Endoume. Il s’agit d’Annie Pastoureaud qui va rester jusqu’au début de la décennie suivante, pour finalement partir en 1983, avec un groupe de la Station pour créer le Centre de Recherche et d’étude sur les Milieux Aquatiques (C.R.E.M.A.-L’Houmeau), à la Rochelle. Cette décision va, dans les faits, sonner le glas de ces activités de recherche appliquée à Endoume. On peut penser qu’A.F. Marion l’aurait regretté.

Ce mouvement de repli du C.N.E.X.O. sur ses propres forces se retrouve alors simultanément, au niveau national. En effet le C.N.E.X.O., à cette époque-là, opère le transfert des jeunes chercheurs, en contrat jusque-là avec lui, vers le C.N.R.S. .Pour cela, un accord financier est conclu entre les deux organismes. Dans cette affaire, la Station Marine d’Endoume est directement concernée, car c’est le site de recherche, qui, en France, abrite le plus de chercheurs financés par contrats du C.N.E.X.O. Cette politique va faire qu’au cours de la période, le nombre des personnels C.N.R.S., travaillant au Centre d’Océanographie de Marseille, augmente de manière significative.

Ainsi, à la fin des années soixante-dix, le C.N.E.X.O., s’est presque totalement désengagé d’Endoume, tant sur le plan financier, que sur celui des personnels, pour se recentrer sur ses propres Etablissements. Avec ce désengagement, la Station perd la plupart de ses activités de recherches appliquées introduites par J.M. Pérès à la fin des années soixante, et qui perpétuaient la tradition inaugurée par A.F. Marion, et P. Gourret au sein du Centre.

Ce qu’il faut aussi remarquer, c’est qu’au moment où disparaissent ces thématiques de recherche, la Station Marine d’Endoume qui regroupe alors une centaine de scientifiques, ainsi qu’une quarantaine de techniciens et ouvriers, instaure sur place des cours de maîtrise et de D.E.A. d’Océanologie, en 1976.

 

  • Découplage entre l’UER des Sciences de la Mer et de l’Environnement de la Faculté de Luminy et le Centre d’Océanographie

On peut dire qu’a cette date une étape est franchie, en ce sens que l’Océanologie qui peut se définir comme l’ensemble des activités humaines nées de la conjonction des connaissances océanographique et de l’utilisation du domaine océanique, intègre à ce moment-là, outre la connaissance du domaine océanique, ce que l’on peut appeler la formation à l’utilisation de ce domaine. Ce qui veut dire que l’étudiant s’il choisit cette voie reçoit un enseignement sur les modes d’exploitation de la mer, qui se couple avec la connaissance océanographique de cette dernière.

En 1978, une sous-direction est instaurée au Centre d’Océanographie de Marseille. C’est à un chercheur C.N.R.S. (et non un enseignant), Christian Emig qu’est confiée cette charge. Ainsi trente ans après avoir choisi de ne pas renouveler la sous-direction de la Station Marine d’Endoume, J.M. Pérès accepte finalement cette décharge de responsabilité.

  • Un changement de statut administratif

Au 1er janvier 1981, l’U.E.R. des Sciences de la Mer et de l’Environnement est rattachée au Département des Sciences de la Mer, de la Terre, et de l’Environnement, nouvellement créé. Ce département de la Faculté des Sciences de Luminy n’aura plus le professeur Jean-Marie Pérès à sa tête. C’est à cette époque que se produit le découplage entre le Centre d’Océanographie d’une part (c’est-à-dire la Station Marine d’Endoume, et les laboratoires de la Faculté de Luminy), et le Département des Sciences de la Mer d’autre part. Le Centre devient administrativement, une unité de recherche associée (U.R.A. N°41), en vertu d’un accord passé entre le C.N.R.S. et l’Université.

A la fin des années soixante-dix, le Centre d’Océanographie de Marseille regroupe, entre la Station Marine d’Endoume, et les locaux situés sur le campus de Luminy, une centaine de chercheurs, ainsi qu’une quarantaine de techniciens, d’ouvriers, et d’administratifs. Et malgré le découplage entre l’U.E.R., et le Centre, ce dernier pèse encore de façon significative au sein de la Faculté des Sciences de Luminy, puisqu’il représente encore à lui seul, plus de quatre fois, toutes catégories confondues, le nombre de personnels des autres laboratoires constituant l’U.E.R. des Sciences de la Mer et de l’Environnement.

Le budget du Centre d’Océanographie de Marseille est proportionnel à son importance numérique, et il est la seule structure de recherche associée au C.N.R.S., au sein de cette U.E.R. Dans cette situation, la direction installée dans les locaux d’Endoume, jouit alors d’une position privilégiée pour peser dans les décisions, et avoir elle-même une liberté décisionnelle assez importante.

  • L’essaimage se poursuit…

Dans cette situation privilégié, la Station Marine d’Endoume continue d’héberger des enseignants des deux autres Université d’Aix-Marseille, qui peuvent y poursuivrent leurs recherches. D’ailleurs c’est aussi sur le site d’Endoume que les cours, de maîtrise et de D.E.A., d’Océanologie se déroulent dans la salle de Conférences du Bâtiment 4.

En ce qui concerne les missions à Tuléar, les travaux et les articles qui en sont issus, concernant cette région, s’étaient poursuivies jusqu’en 1972, date à laquelle le président de la République malgache depuis l’indépendance de l’île en 1960, est écarté du pouvoir par le général Ramanantsoa. La situation sur place, et les relations avec l’ancienne Métropole se tendent, avec de multiples conséquences (Madagascar sort en 1973, de la Zone franc).

Dans ce contexte, la Station Marine de Tuléar passe sous tutelle malgache, avec la création d’une université sur place. Un certain nombre de liens vont être cependant maintenus avec la Station Marine d’Endoume, et des enseignants vont continuer d’aller y assurer des cours, et des chercheurs d’y travailler. Cela du moins jusqu’à ce que la situation de l’île ne devienne trop troublée, au début des années quatre-vingt.

La Station Marine d’Endoume a aussi trouvé, dans ses rangs, un certain nombre de personnes qui allèrent essaimer sur la côte Atlantique, pour implanter une nouvelle structure de recherche: le C.R.E.M.A.-L’Houmeau. Le rayon d’action de la Station Marine d’Endoume s’étant élargi géographiquement, et ses chercheurs intervenant dans de nombreuses mers du globe, il s’était cependant relativement peu investi le milieu côtier atlantique, et cela même si le Centre de Recherches et d’Etudes Océanographiques (C.R.E.O.), basé à La Rochelle, met, au début des années soixante-dix, une partie de ses locaux à la disposition des chercheurs de la Station Marine d’Endoume, ce qui permet à ceux-ci d’aller travailler en Atlantique. Mais les locaux prêtés par le C.R.E.O., sont assez exigus, et ne permettent pas vraiment d’y réaliser un travail efficace, ils n’abritent que deux chercheurs de Marseille.

Au début des années 1980, une opération d’une autre envergure voit le jour à proximité de La Rochelle à l’Houmeau, petit village de Charente-Maritime. Dans le cadre d’une politique d’ensemble de développement de la recherche en aquaculture marine, et plus précisément au sein du Groupement d’Intérêt Scientifique Aquaculture sur les côtes atlantiques, le C.N.E.X.O. prend l’initiative de créer un laboratoire de recherche dans une région où les marais maritimes occupent plus de 100.000 hectares. Dans le but de rapprocher recherche fondamentale et appliquée, le C.N.E.X.O. propose au C.N.R.S. de constituer un laboratoire mixte, financé, dirigé et animé par les deux établissements.

Ce laboratoire est donc une structure mixte partagée entre le C.N.R.S. et l’I.F.R.E.M.E.R. (Institut Français de Recherche et d’Etudes pour l’exploitation de la Mer), né en 1984 de la fusion entre le C.N.E.X.O. et l’I.S.T.P.M. (ancien O.S.T.P.M.).

Le directeur scientifique du C.N.E.X.O., Lucien Laubier, confie à Serge Mestrini, travaillant alors à la Station Marine d?Endoume, la responsabilité de la création effective du Centre de recherche en Ecologie Marine et Aquaculture de l’Houmeau, centre qui sera inauguré en 1985 après deux ans de remise en état d’un vaste séminaire fermé depuis une cinquantaine d’années dans le village de l’Houmeau. Ainsi plusieurs chercheurs du C.O.M. partent là-bas, sous la direction de Serge Maestrini.

Il est significatif que les autorités scientifiques de tutelle soient venues chercher à Endoume matière à former la partie C.N.R.S. du nouveau centre de recherche dans le domaine marin. La création de ce nouveau laboratoire, sans aucun rapport administratif avec la Station d’Endoume, montre néanmoins que ce centre de recherche est non seulement capable de s’implanter outre-mer (Madagascar), de s’étendre géographiquement (Endoume-Luminy), mais aussi d’essaimer, ce qui est, on en conviendra, le propre d’un organisme en pleine possession de ses moyens.

Car le C.O.M., malgré cette ponction (dont celle, de la bibliothécaire en titre), regroupe encore 62 chercheurs permanents, une trentaine de scientifiques de passage, ainsi que 10 ouvriers, et 31 I.T.A. (Ingénieurs, Techniciens, Administratifs).

Mais le rayonnement de l’Etablissement s’observe aussi par l’abondance de ses publications : en effet on peut évaluer à une centaine chaque année, le nombre de notes et de mémoires réalisés par les différentes équipes de la Station Marine d’Endoume. On peut aussi estimer que près de deux cent thèses de troisième cycle ont été produites sur place depuis l’introduction de ces diplômes, enfin quelques dizaines de thèses de doctorat ès-sciences sont sorties des murs de ce Centre.

Cette intense activité a contribué à bâtir une solide réputation aux chercheurs de la Station Marine d’Endoume, ce qui a facilité et multiplié les échanges avec d’autres lieux de recherche en France et dans le monde.

 

La suite…

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